Négociations commerciales : la grande distribution dans le collimateur des autorités
Alors que la période de négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs s'est achevée comme chaque année au 1er mars avec la signature des conventions annuelles, les pratiques de certaines enseignes de la grande distribution sont dans le collimateur des autorités, dont l'action s'intensifie.
En juillet 2019 et février 2021, le Ministre de l'économie, garant de l'ordre public économique, a assigné deux centrales d'achat et de services internationales des enseignes E. Leclerc et Intermarché devant le tribunal de commerce de Paris pour des pratiques restrictives de concurrence. En cause selon le Ministre, le recours par ces enseignes à des centrales situées hors de France pour contourner la loi française encadrant les négociations commerciales (art. L. 441-3 et suivants du code de commerce) et imposer des services ou des réductions de prix sans contreparties à leurs fournisseurs.
C'est pour lutter contre ces pratiques opaques que la loi "ASAP" du 7 décembre 2020 est venue imposer aux fournisseurs et aux distributeurs de mentionner, dans leurs accords commerciaux annuels, l'existence de services rendus ou d'obligations souscrites par des centrales internationales avec lesquelles les distributeurs sont directement ou indirectement liés, dès lors que ces obligations ou services se rattachent à des produits vendus en France. Cette nouvelle obligation vise notamment à faciliter le contrôle, par la DGCCRF, de la réalité des services rendus, d'une contrepartie proportionnée et du respect du seuil de revente à perte.
Si le tribunal de commerce n'a pas encore statué dans les deux affaires citées plus haut, il vient de condamner, dans un jugement du 22 février 2021, l'enseigne Carrefour pour pratiques restrictives de concurrence, d'ordonner la cessation des pratiques et de lui imposer une amende d'un montant de 1,75 millions d'euros.
Dans cette affaire, la DGCCRF, à l'initiative de l'assignation, reprochait notamment à CARREFOUR d’avoir exigé de ses fournisseurs une "remise complémentaire de distribution", destinée à financer le repositionnement de l’enseigne sur le marché de la distribution de proximité. Cette remise, exigée comme préalable à l'ouverture des négociations commerciales, n'avait en réalité aucune contrepartie et était imposée par Carrefour à ses fournisseurs grâce à des mesures de rétorsion dissuasives.
Pour rappel, le code de commerce interdit au titre des pratiques restrictives de concurrence le fait, notamment, d’obtenir un avantage sans contrepartie ou disproportionné au regard de la contrepartie consentie, de soumettre ou tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif, d’imposer des pénalités disproportionnées ou de déduire d’office des factures du fournisseur des pénalités ou rabais (art. L. 442-1 I. du code de commerce).
Comme chaque année, la période de négociations commerciales fait l'objet de contrôles renforcés de la DGCCRF. Ces contrôles peuvent déboucher sur des enquêtes approfondies, alors que l'arsenal législatif qui encadre les négociations commerciales exige des fournisseurs et des distributeurs de plus en plus de transparence dans leurs relations d'affaires et un formalisme strict qui s'inscrit dans un timing serré avec la signature des conventions annuelles au plus tard le 1er mars de chaque année. Après s'être attaquées à la grande distribution "pour l'exemple", gageons que les autorités cibleront à l'avenir les autres opérateurs de la distribution.
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